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Demandez-leur la lune d'Isabelle PANDAZOPOULOS

Genre : littérature jeunesse (roman)

 

 

Quatrième de couverture :

 

Lilou, Samantha, Bastien et Farouk.

 

Pour ces quatre-là, le passage en seconde générale vient d’être refusé.

 

Dans un de ces coins de France où même internet ne passe pas, de quel avenir peuvent-ils rêver ?

 

C’est alors qu’Agathe Fortin croise leur route.

Jeune prof de français passionnée, elle propose de les préparer à un concours d’éloquence.

 

C’est la première fois que quelqu’un croit en eux.

(…)

 

 

Ce que j'en ai pensé :

 

L’auteure donne corps aux quatre ados de ce roman, en leur offrant également une voix qui leur est propre, facilement reconnaissable et discernable.

 

Il y a tout d’abord Lilou Vauzelles, celle qui m’a le plus touchée.

Est-ce parce qu’elle a la parole en premier ?

Je n’en suis pas sûre : je me suis reconnue ado à travers elle, moi et ma peur de m’exprimer devant tout le monde, la panique qui me broie les tripes avant de me lancer et la paralysie qui empêche de prononcer le moindre mot...

 

Timide, elle fait tout pour ne pas se faire remarquer, depuis l’arrestation de son frère.

Pourquoi ? Qu’a-t-il fait ?

On le découvre bien plus tard et ce n’est pas le plus important, ce qui interpelle, c’est l’effet que cette arrestation a eu sur toute cette famille : ses parents lui ont appris à raser les murs et à baisser la tête, par honte, par réaction envers le mépris et les accusations silencieuses de leur petite ville, de ceux qui furent autrefois leurs amis.

 

Vient ensuite Samantha Berthier, jeune fille exubérante, originale, excentrique, pleine de vie, superficielle, en apparence du moins…

On découvre peu à peu la jeune fille responsable, en manque d’équilibre et de sécurité, sous ce masque, son amour pour sa mère, tout aussi extravertie qu’elle… Enfin, dans ses bons jours.

On ressent aussi au plus profond de nous sa peur de devoir la quitter, d’être séparée d’elle à nouveau…

 

« - En fait, t’as raison, a repris Lilou à toute vitesse, comme si de le dire si vite, ça allait faire oublier ce qu’elle était en train de dire, oui, je l’aime bien cette prof. C’est la première fois que… où c’est important ce qu’on a à dire, ce que MOI, j’ai à dire. Tu peux pas imaginer comment le silence, ça peut faire mal… oui, pour toi, c’est si facile…

- Facile ?

Sam a manqué de l’envoyer balader. Elle ne l’a pas fait et elle ne saurait pas expliquer pourquoi. Lilou fait comme les autres, elle se fie aux apparences. A croire que parce qu’elle est jolie, qu’elle plaît et qu’elle aime plaire, sa vie est un chemin tapissé de pétales de rose… »

 

Arrive en troisième lieu Bastien, le bad boy de leur groupe hétéroclite, mal assorti au premier coup d’œil et pourtant, tellement de choses, de non-dits les lient !

Rebelle, coincé dans un avenir qui semble tout tracé pour lui, par son père notamment mais dont il ne veut pas, il n’est pas très causant, pas du genre à exprimer son mal être.

 

Très vite, on sait qu’il existe un passif entre lui et Lilou, une relation trouble s’installe entre eux, faite d’attraction et de répulsion…

Pourquoi cette rancœur et ce ressentiment chez la jeune fille ?

Que s’est-il passé ?

 

« Les mots ça vous console et ça venge.

Elle avait écrit ça, la prof, sur le tableau, l’autre jour. Albert Cohen.

Je suis pas d’accord avec toi, Albert. Je pourrais même te casser la gueule pour balancer des conneries pareilles. C’est pour les gens comme toi, rien que des jolies formules. Parce que si en face, t’as personne qui t’écoute, plus personne qui te croit, y a pas pire comme souffrance que les mots qui te restent sur l’estomac et tournent en rond dans ta tête.

Ça rend fou, les mots, quand tu peux pas les dire. »

 

Enfin, le quatrième de la bande, Farouk, fait son entrée.

C’est sans doute le plus posé, le plus raisonnable mais il cache lui aussi une blessure douloureuse et intense, qui l’empêche de se livrer aux autres.

 

Tous les quatre vont donc se découvrir de nombreux points communs, malgré leurs caractères opposés.

 

Ils n’ont connu que les mots qui enferment, ceux qui blessent, plus encore que les coups et humilient, rabaissent, les mots qui jugent et accusent en silence, insidieusement, ceux qui vous montrent du doigt et font de vous un paria, ceux qui excluent, les mots qu’on ne dit pas aussi ou plus…

 

Anne Fortin, leur professeur de français, va leur apprendre les mots qui rassurent, ceux qui donnent confiance, ceux qui libèrent, bousculent, chamboulent tout sur leur passage, vous laissent exsangues, désarmés, démunis, pour mieux vous relever ensuite, les mots qui grandissent et ceux qui disent qui vous êtes.

Elle va leur dévoiler le pouvoir des mots, qui peuvent être destructeurs ou libérateurs.

 

J’ai adoré voir ces quatre jeunes désœuvrés, qui cachent tous une blessure, une faille, s’épanouir, avancer non sans heurts, reprendre confiance en eux grâce à son aide, un peu brutale certes par moment, pas toujours très conventionnelle.

Voir sa foi en eux, sa peur de les pousser trop dans leurs retranchements.

 

Malgré son apparente froideur, on sent la passion qu’elle met à exercer son métier, son goût pour les mots, qui ne pouvait que parler à la lectrice que je suis, un goût qu’elle essaye de transmettre.

On s’imagine bien, par effet miroir, la professeure de lettres, l’auteure elle-même, derrière ce personnage.

 

Une très belle lecture donc, servie par une plume qui donne corps à Lilou, Bastien, Sam et Farouk mais aussi à Anne, que l’on quitte tous à regret… et un texte parsemé de références littéraires dont deux qui sortent du lot : Bérénice de Racine et Cyrano de Bergerac d’Edmond de Rostand, lequel se trouve dans ma Pal : ça tombe bien, les extraits qui parsèment le récit m’ont encore plus donné envie de les lire tous les deux !

 

« - Par ici, on est plutôt taiseux. Sans doute qu’on se méfie de ceux qui parlent pour ne rien dire. Et si on préfère se taire, c’est que les mots, on les respecte trop, on sent le poids qu’ils pèsent et le pouvoir qu’ils ont. Ici, on sait, peut-être plus qu’ailleurs, que les mots qu’on dit, ils t’engagent tout entier, ils te montrent tel que tu es, d’où tu viens et à qui tu ressembles.

Oui, les mots sont des révélateurs. Ils dessinent des différences et, plus encore, ils les creusent… »

 

«  Longtemps, je me suis méfiée des mots.

Quand j’ai eu besoin d’eux, ils manquaient. Ils se barraient, me narguaient, me snobaient et même ils me ridiculisaient. Alors si je parlais peu, c’est que je ne m’y risquais pas. Résultat, les gens ont toujours pensé que je n’avais rien à dire. Que ceux qui me ressemblent n’ont rien à défendre, rien dans le ventre et rien à déclarer. Mais ils se trompent. »

 

«  Laissez les mots courir et prendre leur envol.

Laissez-les danser et faire des cabrioles.

Libres, c’est encore comme ça qu’ils seront les plus heureux. »

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B
Visiblement les personnages sont le ressort d'une lecture qui fonctionne bien.
Répondre
L
Les personnages, oui mais aussi la plume de l'auteure dans ce livre ^^ et les thématiques abordées en substance.
S
Une auteur que j'aime beaucoup.
Répondre
L
Première lecture pour moi mais pas la dernière, c'est clair ^^