Genre : Roman
Quatrième de couverture :
1770, Saint-Domingue. Zarité Sedella, dite Tété, a neuf ans lorsqu’elle est vendue comme esclave à Toulouse Valmorain, jeune Français tout juste débarqué pour prendre la succession de son père, propriétaire terrine mort de la syphilis.
Zarité va découvrir la plantation, avec ses champs de canne à sucre et ses esclaves courbés sous le soleil de plomb, la violence des maîtres, le refuge du vaudou. Et le désir de liberté. Car entre soldats, courtisanes mulâtres, pirates et maîtres blancs, souffle le vent de la révolte. (…)
Ce que j'en ai pensé :
Une lecture difficile, qui m’a dérangée, mise mal à l’aise, révoltée, enragée, bouleversée. Une lecture difficile donc non pas parce que je me suis ennuyée ou n’ai pas apprécié mais parce que j’ai souffert en même temps que l’héroïne, j’ai subi les humiliations, le mépris, la haine, l’injustice dont elle est victime comme si j’étais elle… Impossible de rester indifférent devant le sort de Zarité, le personnage phare de cette histoire. Nous la suivons de l’âge de 9 ans, lorsqu’elle est achetée par Violette Boisier afin de servir dans la maison des Valmorain, jusqu’à ses 40 ans. L’auteur réalise ici un magnifique travail de reconstitution historique, en revisitant l’histoire de Saint-Domingue, colonie française aujourd’hui baptisée Haïti et en faisant revivre une époque, celle des plantations de canne à sucre et de l’esclavage. Elle nous fait voyager à travers le temps et l’espace de manière remarquable, nous replonge dans une époque sur le point de basculer (c’est la fin de la monarchie, le début de la Révolution Française et de la République), dans les troubles propres à la colonie (le début de l’insurrection des esclaves, d’abord dans le nord puis sur toute l’île, les patriotes qui cherchent à faire sécession avec la métropole), dans une société hiérarchisée, codée. Le récit est empreint de réalisme, n’épargne pas le lecteur ni les personnages et c’est peut-être ce qui rend sa lecture d’autant plus dérangeante. Zarité va connaitre de nombreuses épreuves, la brutalité et l’injustice d’un système qui fait d’elle un animal, un objet dont on peut disposer à sa guise. Le maître ne s’en prive d’ailleurs pas, et pourtant il semble convaincu de sa bonté, de sa clémence envers les esclaves vivant sur ses terres. Il ne vaut pourtant pas mieux que les autres Grands Blancs, qu’un Lacroix ou un Prosper Cambray, notamment avec elle, l’objet de sa convoitise et de son mépris. Elle lui sert de souffre-douleur et doit combler tous ses désirs, peu importe ses sentiments… Il est détestable à souhait ! Moi qui ne supporte pas l’injustice, j’ai eu beaucoup de mal à poursuivre ma lecture et pourtant, je ne regrette pas. J’ai beaucoup aimé les passages à la première personne du singulier, où Zarité est la narratrice. Je les ai vécus comme des moments de répit bienvenus, ils permettent au lecteur de souffler, de s’échapper un peu de toute la violence ambiante pour être au plus près de ses pensées et émotions. J’aurais aimé qu’ils soient plus nombreux. La deuxième partie est plus aisée. Un vent de révolte s’empare de la colonie et sur Zarité, elle évolue, prend du caractère, s’affirme enfin. Elle va prendre son destin en main, ne plus être aussi dépendante du maître et ne pas renoncer. Elle vit dans l’espoir de recouvrer un jour sa liberté, ne perd jamais courage. Heureusement, elle connaitra aussi de grands bonheurs, connaitra l’amour d’abord en tant que maman de substitution puis en tant que véritable mère mais aussi l’amour des hommes, l’amitié de femmes mulâtresses ou d’hommes blancs qui vont la porter, la soutenir et j’oserais dire qu’il était grand temps ! J’ai d’ailleurs aimé voir les destins des personnages se croiser, rien n’est laissé au hasard, chacun à son rôle à jouer, encore une preuve du talent de l’auteur !
En bref, cette lecture n’a pas été une partie de plaisir : si vous êtes déprimé, ou avez envie de légèreté, passez votre chemin mais n’hésitez pas à y revenir au moment voulu car il mérite d’être lu et vous marquera pendant longtemps ! Chapeau à l’auteur qui a accompli un travail d’orfèvre, à mes yeux, a su si bien rendre cette partie de notre passé peu glorieuse et créer des personnages forts, qui n’ont rien de caricatures.