Genre : BD
Quatrième de couverture :
Jeune femme ambitieuse, Irmina quitte l'Allemagne pour Londres au milieu des années trente, pour suivre une formation de secrétaire bilingue.
Elle y fait la connaissance d'un noir, Howard, et sympathise avec ses aspirations à une vie indépendante.
Sa liaison avec lui connaît une fin précipitée, quand la situation politique l'oblige à rentrer à Berlin.
Dans l'Allemagne national-socialiste, il est vite évident qu'elle ne pourra faire son chemin dans la société qu'en fermant les yeux sur les crimes du régime.
Mais les événements politiques ressemblent à une escalade sans fin...
Ce que j'en ai pensé :
Comme d’habitude, quand il s’agit de BD (ou de manga), je ne peux me détacher du dessin et de ce qu’il m’inspire. Aussi, concernant ce titre, j’avoue que ce n’est franchement pas la première chose qui m’ait attirée mais bien l’histoire. J’ai trouvé les traits mal dégrossis, ils manquent de finesse à mon goût et tiennent davantage du croquis dans certaines cases : j’ai donc eu beaucoup de mal à accrocher avec le dessin, heureusement, je ne me suis pas arrêtée là !
Il y a trois parties : une a lieu en 1938, en Angleterre : Irmina vient suivre des études pour s’affranchir de sa condition de femme, pour avoir le choix, être libre et indépendante.
C’est une jeune fille allemande qui va se confronter à la peur de l’étranger et aux idées reçues dans cette Angleterre d’avant-guerre.
Elle fait la rencontre d’Harold Green, étudiant en droit, noir, qui cherche lui aussi à s’affranchir de sa condition.
Combattive, ouverte d’esprit, progressiste et idéaliste dans un monde renfermé sur lui-même, suspicieux, elle se bat pour ses idées avec courage et n’a pas la langue dans sa poche, ce qui fait l’admiration d’Harold mais ils vont être rattrapés par les événements…
La deuxième partie voit Irmina évoluer en Allemagne.
Obligée de rentrer au pays, elle travaille désormais pour le gouvernement.
Pour elle, ce n’est qu’un travail temporaire, elle rêve encore de pouvoir repartir en Angleterre.
On la voit tout d’abord lutter contre l’idéologie nazie qui fait son chemin dans le cœur de la population et pousse les gens, même ceux que l’on considère comme ses meilleurs amis, à la délation.
Toujours aussi fougueuse et prompte à réagir, il lui faut apprendre à se contenir un minimum, à garder pour elle ce qu’elle pense, si elle tient à la vie et subtilement, on la voit changer sans rien pouvoir y faire et devenir ce qu’elle a toujours voulu fuir : une parfaite petite femme d’intérieur.
La jeune fille aux idées égalitaires, aux velléités d’indépendance et de liberté, la battante, la révoltée contre l’ordre établi et les idées préconçues disparaît tout doucement et laisse place à une femme effacée, que l’on a du mal à reconnaître et qui finit peu à peu par adopter l’idéologie dominante, par y croire aussi.
Ce changement parait tellement réaliste : on n’a aucun mal à y croire et, si le lecteur lui en veut, dans un premier temps, se pose ensuite la question : « et moi, qu’aurais-je fait à sa place ? Aurais-je eu le courage qui l’a déserté ? Aurais-je renoncé à mes idéaux dans la même situation pour me fondre dans la masse, pour ne pas me faire remarquer, faire comme tout le monde, continuer d’avancer en mettant des œillères, en faisant semblant de ne rien voir ? »
Finalement, les circonstances de l’époque ne semblent pas lui avoir laissé beaucoup de choix… L’instinct de survie a pris le pas sur le courage et l’esprit critique, d’autant qu’elle se retrouve seule, abandonnée par celui qu’elle a tant aimé…
Arrive enfin la fin de la guerre et s’ouvre la troisième partie où elle retrouve Harold à la Barbade.
Qu’est-il devenu ?
A-t-il refait sa vie lui aussi après leur brève histoire d’amour ?
Est-il heureux ?
Comment lui dire ce qu’il s’est passé entre-temps ?
Les mots ne viennent pas, d’autant que son ami a encore en tête la jeune fille rencontrée en Angleterre, une jeune fille qui n’est plus et s’est finalement trahie elle-même…
J’ai aimé ses retrouvailles, on ressent toute la force des non-dits et on ne peut qu’éprouver des regrets pour eux, pour ce qui aurait pu être si seulement…, surtout pour Irmina, car Harold, lui, est passé à autre chose.
Bref, si j’ai eu beaucoup de mal avec les dessins, j’ai aimé cette histoire d’amour avortée, j’ai aimé les questions qui se posent à la lecture, voir le changement s’opérer progressivement en Irmina et rendre tangible le fait que la population allemande a suivi Hitler, tout le réalisme psychologique est très bien rendu par l’auteur, la perte d’individualité et comment une idéologie peut gagner tout un pays.
Même la fin, si elle est frustrante, n’en est pas moins cohérente.
Une histoire qui fait froid dans le dos, qui fait terriblement écho à l’actualité, me semble-t-il, avec la montée des nationalismes dans le monde, à mettre entre toutes les mains pour ne pas que l’histoire/Histoire se répète…
Enfin, me revoilà ! ^^